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Interview pour le blog Café Cancer, octobre 2020.

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Camille a 29 ans et elle est en rémission d’une tumeur neuro endocrine qui a touché son poumon droit. Merci Camille de nous raconter ton histoire sur le blog de Café Cancer.

J’ai découvert que j’étais atteinte d’un carcinoïde bronchique à l’été 2019 alors que j’avais déjà craché du sang à plusieurs reprises. Alors sur mon lieu de vacances, je suis allée aux urgences faire une radio pulmonaire, qui n’a rien trouvé d’anormal, et à mon retour à Paris, ma médecin traitant m’a prescrit un scanner thoracique, qui a vu une masse suspecte dans mon poumon droit. J’ai pris rendez-vous dans la foulée avec une pneumologue ainsi qu’une oncologue, qui ont très vite posé le diagnostic du cancer. J’étais accompagnée de ma sœur et de mon amoureux, et la situation était proprement irréelle, j’avais l’impression que l’on parlait de quelqu’un d’autre que moi, et je ne pouvais m’empêcher de me demander pourquoi cela m’arrivait, alors que je n’avais que 28 ans et que je n’avais jamais fumé.

Quelle était ta vie « avant » le cancer ? 

Les mois qui ont précédé le diagnostic, il m’est arrivé tout un tas de soucis de santé mineurs qui m’ont amenée à avoir l’intuition que mon corps essayait de me faire passer un message. Même si je gardais cette question dans un coin de ma tête, je n’y ai pas prêté davantage attention. Je vivais simplement ma vie de graphiste et d’illustratrice indépendante, aux côtés de mon amoureux, ma famille et mes amis.

Comment as-tu découvert ton cancer ? 

J’avais déjà craché du sang il y a deux ans, lors d’un épisode de trachéite. Ma médecin traitant de l’époque m’avait conseillée pour me rassurer de faire une radio pulmonaire, mais, n’y voyant pas la nécessité, étant donné mon jeune âge et le fait que je ne fumais pas, je ne l’avais pas pratiquée. Ce n’est que deux ans plus tard, l’été dernier, quand j’ai craché du sang hors contexte de maladie que j’ai commencé à trouver cela étrange. Au départ je mettais cela sur le compte des pollens, ou de la climatisation, mais j’ai dû me rendre à l’évidence que cela n’était pas normal quand les épisodes se sont multipliés sans aucun motif valable.

Comment se passent les traitements ? 

Le diagnostic a été posé début août 2019. J’ai passé tout mon mois d’août à enchaîner les examens du bilan d’extension, fibroscopie, EFR, échographie cardiaque, PET-scan, IRM, scanners… J’ai été prise en charge dans un premier temps à l’hôpital Bichat, à Paris. Même si l’opération ne constituait pas une urgence vitale, j’ai rencontré un premier chirurgien là-bas puis un second à l’hôpital Marie Lannelongue, au Plessis-Robinson, avec qui le feeling est instantanément passé. Avec lui j’ai planifié une date pour mon opération, le 9/09/2019, car je tenais symboliquement à une remise à neuf  (j’adore les jeux de mots…) Initialement, il m’avait expliqué qu’il pratiquerait une bilobectomie (donc l’ablation de deux lobes pulmonaires) avec suture bronchique, mais je me suis réveillée après l’opération avec un poumon entier en moins. Le chirurgien m’a expliqué que lors de l’opération, en faisant des prélèvements sur mon lobe restant, il y avait vu également des cellules cancéreuses, qui auraient pu se transformer en tumeurs quelques mois après. Même si j’ai accueilli la nouvelle en étant énormément choquée, j’ai très vite compris qu’il avait pris la bonne décision, vu la lourdeur de l’opération et de ses conséquences sur le corps. Ma semaine d’hospitalisation s’est déroulée sans encombre, même si je n’avais en effet pas du tout mesuré les implications physiques d’un tel geste chirurgical ! Dans mon malheur, j’ai eu la chance de ne pas avoir à prendre de traitements complémentaires, je n’ai eu donc « que » la chirurgie thoracique pour soigner mon cancer.

Quel a été le moment le plus fort dans la traversée de ton cancer ?

Incontestablement, le lendemain de l’opération, quand les médecins ont autorisé ma maman et mon amoureux à venir me rendre visite. J’étais alors avec mon déambulateur en train de marcher au bras de la kiné, car le protocole à l’hôpital Marie Lannelongue consiste à remettre en mouvement les patients le plus rapidement possible post-opératoire, afin que leur corps ne s’ankylose pas. J’étais de dos, et mon amoureux m’a vue comme en train de faire mes premiers pas, réapprenant à marcher malgré la douleur qui se lisait sur mon visage et dans tout mon corps. Je ressentais une forme d’appréhension et de pudeur à me montrer si vulnérable devant lui. Néanmoins, quand je me suis retournée et que mon regard a croisé le sien, nous avons pleuré à chaudes larmes tous les deux. C’était très fort, et malgré la tristesse de ce moment, un souffle d’amour immense m’a traversée et j’ai senti le lien invincible nous unissant.

Est-ce que ton quotidien a changé ? 

À l’annonce du cancer, j’y ai vu une opportunité de changement extraordinaire, pensant naïvement qu’en un coup de baguette magique j’allais tout à coup transformer mon alimentation, me mettre à faire du sport quotidiennement et à accepter mon corps et m’aimer.

À mon retour à la maison, j’ai été rattrapé par la réalité. Il m’a fallu réapprendre progressivement à vivre avec un poumon en moins, et accepter dans un premier temps que j’étais essoufflée pour monter quatre marches, ce qui pouvait être décourageant. Heureusement, j’étais très bien entourée, avec mon amoureux qui a été d’un soutien indéfectible (sans lui je n’aurais sûrement pas remonté la pente aussi bien et vite), ma famille, ainsi que l’équipe médicale de Marie Lannelongue et de Gustave Roussy (où je suis suivie désormais) qui n’était jamais très loin.

J’ai également suivi des séances de kinésithérapie respiratoire et j’ai fait appel à une psychologue et à une hypnothérapeute qui m’ont été d’une grande aide. En effet, j’ai d’abord mis toutes mes forces à récupérer physiquement les six premiers mois après l’opération, mais je me suis vite rendue compte que ce n’était pas suffisant. Je trouve vraiment dommage que les soins de support ainsi que les médecines « douces » ne soient pas véritablement intégrés aux parcours de soins en France, car guérir son esprit après avoir traversé un cancer est tout aussi important !

Comment est ton quotidien aujourd’hui ?

Aujourd’hui, à la date anniversaire des un an de mon cancer, j’ai, même s’ils ne sont pas aussi spectaculaires que je ne le pensais, opéré des changements dans mon quotidien. Je m’alimente mieux, j’ai diminué drastiquement ma consommation de sucre, j’essaye d’être de plus en plus régulière quant à ma pratique du sport et de la méditation et je soigne les petits maux du quotidien avec des huiles essentielles. Je suis suivie par une naturopathe, et j’aimerais essayer l’acupuncture et l’EFT, je me suis réellement passionnée pour les médecines alternatives ! Dans un autre registre, j’aimerais avoir des enfants dans les années à venir, fonder une famille avec mon amoureux et déménager hors de Paris (car avec mon poumon restant, je supporte de moins en moins la pollution…) Finalement, j’éprouve de la gratitude d’avoir traversé cette expérience car le cancer m’a permis de me rapprocher de moi-même, d’être plus à l’écoute de mon corps, de mes besoins et de mes désirs. Étant graphiste et illustratrice de métier, j’ai décidé de mettre désormais mes compétences au service des acteurs de la santé, et plus particulièrement de la prévention du cancer. L’art m’a en effet permis de transcender l’expérience du cancer, et celle-ci m’a entre autres inspiré le projet Poumonoprix,  un projet bénévole et à but non lucratif, qui a pour ambition de devenir un support ressource pour les futur.es malades atteints d’une tumeur neuro-endocrine bronchique, afin de faire connaître ce cancer rare au grand public par la diffusion d’une brochure dédiée, et par le biais d’expositions du projet dans les hôpitaux ou les structures spécialisées… J’ai d’ailleurs lancé une cagnotte afin de pouvoir concrétiser ce projet, je suis à la recherche également de sponsors qui pourraient me prêter une salle d’exposition ou encore imprimer la brochure… J’aimerais également animer un podcast pour libérer la parole autour du cancer dans les mois à venir, et concevoir un livre illustré qui raconterait plus en détails mon expérience. Le cancer m’aura donc permis de trouver un sens à mon métier, et de m’engager dans une cause qui me tient à cœur en me sentant réellement utile, à ma place.

J’ai pour l’instant des examens de contrôle tous les six mois, et bien que cela puisse me stresser quand les dates des rendez-vous médicaux approchent, j’essaye de vivre sans avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, en faisant des projets et en savourant chaque seconde de l’existence !

Quel message aimerais-tu faire passer à une personne qui vient d’apprendre qu’elle a un cancer ?

Qu’elle a la force en elle pour traverser cette épreuve. J’aime à croire que le cancer ne survient pas par hasard (attention, je ne dis pas que c’est de notre faute, loin de là), qu’il fait sens par rapport à notre passé et notre vécu et que l’on peut l’appréhender différemment si l’on se recentre sur soi, si l’on écoute son corps, ses aspirations et si l’on vibre de l’amour. Il ne s’agit pas de se battre « contre » le cancer (je vois souvent employé un champ lexical guerrier, où l’on parle de lutte, de bataille…) mais plutôt d’œuvrer « pour » redevenir son meilleur allié, se réaligner avec qui on est vraiment. Que le cancer est au contraire là pour nous montrer ce que l’on doit modifier en nous, afin de retrouver l’équilibre et l’harmonie, et que nous en avons la capacité ! En cela, le cancer, comme toute autre expérience de vie difficile, possède à mon sens un véritable pouvoir de transformation positive.

Je lui dirais également de s’entourer des bonnes personnes, aussi bien dans le corps médical que son entourage proche, en suivant son cœur et ses intuitions.

Et quel conseil aimerais-tu donner à ses proches ? 

De l’accompagner avec le plus de bienveillance et de patience possible, car ce qui l’attend et ce qu’elle va traverser, aussi bien physiquement que psychologiquement, est un long chemin, avec des hauts et des bas.