Cette semaine, dans le cadre de mes examens de suivi pour mon cancer, je suis allée faire une cytoponction* de mes ganglions axillaires, sous l’aisselle.
Outre l’angoisse d’une récidive qui accompagne naturellement ce type d’examens, j’ai réfléchi aux émotions que cela suscitait en moi.
Lorsque je me suis allongée sur le brancard de la salle de prélèvement, seins nus, je n’avais pas particulièrement peur de la douleur. J’appréhendais surtout que l’on me touche à un endroit de mon corps où je n’avais pas l’habitude de l’être, dans une zone qui m’était jusqu’alors inaccessible, inconnue, car recouverte de peau et donc « immergée » à l’intérieur de mon thorax.
En effet, un ganglion pour moi ne représente rien. C’est tout au plus une boule « qui roule » comme s’est écriée la microbiologiste qui réalisait la ponction, il peut être cancéreux ou non, signe d’une inflammation locale ou généralisée, mais je ne saurais le définir davantage. Il fait partie de moi, mon corps l’a fabriqué, et pourtant je ne le visualise pas, je n’en cerne pas les contours… et cela me terrifie.
Or j’ai besoin de me le figurer, pour mieux l’apprivoiser et parvenir à le considérer, non plus comme un corps étrange, étranger, mais comme, finalement, un amas de cellules que j’ai moi-même créé. Même si les examens d’imagerie représentent pour moi un stress, ils sont paradoxalement un soulagement, précisément parce qu’ils posent des images sur d’éventuels maux. Ils font la lumière sur l’opacité du corps humain, en en décryptant les parts d’ombre.
Imager pour comprendre, imager pour accepter aussi. Peut-être est-ce parce que mon métier consiste à fabriquer des images que j’y suis si sensible, en tout cas cette imagerie constitue pour moi une collection visuelle précieuse, avec laquelle je me plais à jouer, et donner de nouvelles représentations, de nouvelles interprétations.
Un terrain fertile pour l’imagination et la porte ouverte à un imaginaire inédit, médical ou non.
Toutes les illustrations ci-dessus ont été réalisées à partir de mes images d’examen (scanner, IRM…).
*Il s’agit d’un examen qui consiste à introduire une fine aiguille au travers de la peau et qui permet de prélever un échantillon de cellules dans la zone concernée, lequel est ensuite analysé au microscope.