Saule,
Nous sommes liés.
Mes grands-parents t’ont planté en même temps que je suis née.
Nous avons grandi ensemble sous le soleil de l’été breton.
J’ai mêlé tant de fois ma chevelure à ta crinière de feuilles.
J’ai joué à cache-cache derrière ton tronc.
J’ai serré ton buste si fort entre mes mains.
J’ai caressé avec tendresse ton écorce.
J’ai senti l’odeur rassurante de ton essence.
Je t’ai admiré t’élancer avec majesté pour te rapprocher du ciel.
J’ai rêvé si souvent d’installer une balançoire sur tes branches, pour que tu me prennes toi aussi dans tes bras.
Et puis, en même temps que moi, au même endroit. Un coup de poignard en plein cœur, un trou dans la cage thoracique. Des parasites t’ont attaqué. Ils t’ont envahi, toi aussi. Tes branches ont commencé à ployer, ton tronc à se fissurer. Le jardinier nous a dit qu’il ne pouvait pas te soigner, alors que j’ai pu être guérie.
Tu es encore debout, en équilibre, mais tu tireras bientôt ta révérence. Je te pleure déjà, mon saule, quand tes racines ne suffiront plus à t’ancrer dans le sol, et que ta cime vacillera pour rejoindre la terre. J’espère que tu ne souffriras pas.
Mes larmes coulent alors que je me rappelle de la dernière fois où j’ai croisé ton regard triste, comme si tu semblais me dire au revoir.
Je te ferai honneur, mon saule, en plantant un saule pleureur dans notre jardin et nos enfants riront avec lui comme j’ai ri à tes côtés. Je leur parlerai de toi, mon saule, et tu continueras d’exister à travers nous, tu nous observeras de là-haut ou d’ici-bas.
Je te promets que jamais tu ne seras saule au monde.