Je repense souvent à la première fois où j’ai craché du sang, il y a trois ans. À ce médecin qui s’etait exclamée que « La santé, c’est le silence des organes » mais qui m’avait dit que je n’avais pas de raison de m’inquiéter, que j’étais jeune et en bonne santé. Je ne peux m’empêcher parfois de culpabiliser, je me demande si j’avais agi plus tôt, est-ce que mon poumon droit aurait pu être sauvé ?
Je garde encore l’image de ce dernier comme d’un rocher grignoté par le cancer, aux deux tiers déjà envahis, ensevelis sous les cellules tumorales, prêts à se décrocher et aller faire des ravages ailleurs, transpercer l’enveloppe fragile de mon corps. Et pendant tout ce temps, je ne savais rien de ce qui se jouait à l’intérieur de moi.
Après avoir recraché du sang un an et demi plus tard, je me suis finalement décidée à faire une radio. Rien, nada, on aurait pu encore passer à côté si l’on était resté en surface. C’est le scanner thoracique qui a révélé que la glace était impactée en profondeur à deux endroits.
C’est un gentil cancer m’a dit l’oncologue. « On va vous retirer deux lobes sur trois, vous verrez, ça ira ». Après la chirurgie, le troisième lobe aussi avait fondu, emporté par le gentil cancer.
Sur la banquise aujourd’hui une fissure, ma cicatrice, et la nature qui a repris ses droits, abîmée, encore à fleur de peau parfois.
Mortelle, et à la fois plus vivante que jamais.