Avant d’apprendre que j’avais un cancer, je pensais rarement à la mort, tant elle m’était étrangère. Je savais qu’elle signerait un jour la fin de ma vie, mais cela me semblait lointain, encore hors d’atteinte, alors je préférais l’ignorer, pour ne pas trop l’incarner.
À la suite du diagnostic, j’ai bien été obligée de la regarder frontalement, de cesser de l’éviter, alors que je me voyais déjà léviter au-dessus de cette vie que j’entrevoyais de conjuguer au passé.
J’ai lu dans le regard de certains de mes proches et amis qu’ils m’avaient déjà enterrée, alors que je luttais six pieds sous terre, contrainte de faire face avec terreur à l’éventualité brutale de ma propre finitude.
En dépit de mon athéisme, le cancer m’a permis d’accéder à une certaine spiritualité. Je me suis intéressée aux expériences de morts imminentes et j’ai fini par croire que, peut-être, il existait une vie après l’âme hors. Qui sait ?
Alors depuis la terre, j’ai regardé décoller mon Poumongolfière, avec un jour l’espoir de le recroiser.
Sa nacelle fendant l’air, son parachute gonflé à bloc, expirant fièrement dans les nuages, il s’est évanoui dans les cieux, il est devenu invisible à mes yeux.
Cette ascension céleste m’a aidée à en faire le deuil, à apprivoiser le vide laissé par son absence et à l’emplir de son heureux souvenir, en rêvant de ce qu’il allait devenir.
J’ai appris à vivre sans lui mais avec son empreinte gravée au creux de la poitrine, comme si mon corps parfois le respirait encore.
Je mentirais si j’affirmais aujourd’hui que je suis tout à fait sereine avec l’idée de mourir. Cependant, le simple fait de pouvoir l’imaginer comme le commencement d’un voyage plutôt qu’une fin suffit à en atténuer mon vertige.
Et vous, est-ce que le cancer vous a fait réfléchir à votre conception de la mort et à votre rapport à la religion ou à la spiritualité ?